Alexis Tsipras est réélu. Il a réussi son pari. Si un grand nombre de Grecs lui accordent leur confiance, c'est parce qu’ils le considèrent comme le seul leader encore capable de sortir leur pays de l’ornière. Tsipras a une chance historique de devenir un vrai leader", explique un analyste politique. Reste à savoir s'il pourra imposer de vrais changements tout en continuant de gouverner avec Panos Kammenos, le chef du parti de droite nationaliste, Anel, qui est foncièrement anti européen et avec lequel il avait déjà fait alliance. Les Grecs sont lassés par la politique partisane. « Pratiquement tous les candidats se sont engagés à appliquer le plan d'austérité exigé par l'Union Européenne, continue l'analyste. Alors autant que cela soit un leader un peu charismatique, dont le nom n’a été impliqué dans aucun scandale de corruption. Tsipras, même s'il met ses enfants dans des écoles privées exclusives, a le cœur à gauche et il incarne l’homme politique désintéressé. »
Une politique économique qui inquiète
Cependant le désenchantement pour la politique est palpable puisque la participation aux urnes est d'environ 55 pour cent contre 63 aux dernières élections. Et les griefs contre Tsipras ne manquent pas. Pour de nombreux grecs, Le parti Syriza a fait beaucoup de mal pour l’économie réelle de leur pays, en créant notamment une panique qui dure depuis son élection en Janvier dernier. « Tsipras mise sur une augmentation des impôts et des taxes mais il n'aura pas l'argent nécessaire car beaucoup de familles aisées ont quitté le pays, explique un universitaire. Les Grecs doivent désormais déclarer tout ce qu'ils possèdent et faire des listes de tous les objets d'art et de bijoux, J’habite à deux pas de la banque, et je n’ai aucun accès à mes fonds. Je ne peux tirer que soixante euros par jour. On ne peut pas voyager avec plus de deux mille euros de devises. Tout ceci me rappelle l’économie semi contrôlée de la junte dans les années 1970. En outre, je donne des cours à de futurs chômeurs puisque soixante-dix pour cent de jeunes entre 18 et 28 ans sont au chômage ».
Des investisseurs étrangers encore réticents
Selon un homme d'affaire d'Athènes, depuis que Tsipras est au pouvoir, tous les investisseurs étrangers se sont retirés et les fonds d'investissement qui ont misé sur la Grèce sont dans le rouge. « Il faudra longtemps avant que la confiance ne revienne, dit-il. Le gouvernement n'a pas réglé les entreprises, fournisseurs de l'Etat depuis des mois. Il leur doit beaucoup d'argent. Déjà avant ces élections il s'était tourné vers les municipalités pour obtenir des fonds. Certaines les lui avaient donnés d'autres ont refusé. Cela ne pourra pas durer longtemps. Si ces entreprises ne sont pas réglées, il y aura une révolte populaire, ou bien il sera forcé de revenir au drachme même si personne ne le souhaite vraiment, afin de pouvoir dévaluer, ou faire marcher la planche à billet. »
Les réformes nécessaires viendront-elles ?
"Tout changera si Tsipras se montre capable de conduire des réformes. Il suffirait qu'il accepte d'encourager les investisseurs étrangers en leur disant qu'il s'engage à réduire les délais d'autorisations ou de refus de licence. A présent les entreprises qui veulent s’implanter en Grèce ou investir peuvent attendre jusqu'à quinze ans. La compagnie de bière Vergina a mis sept ans pour obtenir sa licence, car elle nuisait aux entreprises en place, dont Heineken. Plus absurdes encore sont les lois qui empêchent les brasseries de produire, au sein de la même entreprise, des boissons non alcoolisées, ou les entreprises vinicoles qui n'ont pas le droit de produire de vinaigre. »
Une décentralisation nécessaire
« Tsipras continue à favoriser le clientélisme et le corporatisme qui est encore très présent dans le pays. et je ne suis pas sur qu'il soit capable de changer tout cela, reprend l'homme d'affaires. En outre, La Grèce a besoin de se décentraliser. Pour l'instant, les Maires doivent passer plusieurs jours par semaine à Athènes afin de défendre leurs projets et obtenir des licences. »
L’optimisme relatif de l’Athens Democracy Forum
Tous les Grecs interrogés sont d’accord sur une chose: Il faudra de la sueur et des larmes pour reformer la Grèce. Pourtant, le Maire d'Athènes, Yorgos Kaminis, se montrait, relativement confiant, la semaine passée, lors du forum sur la démocratie rendez-vous annuel incontournable, organisé par l'lnternational New York Times, et qui accueillait à Athènes, les plus grands économistes et experts du monde entier. « Je connais notre peuple; il est courageux. Nous montrerons au monde que nous pouvons traverser beaucoup de choses et survivre. Les Grecs sont très attachés à leurs institutions : la démocratie permet la rédemption et donne la capacité de se renouveler. » Si le vote de confiance qu'Alexis Tsipras appelait de ses vœux et qu'il vient d'obtenir, confère à son nouveau gouvernement un mandat pour réformer, et lui procure un nouvel élan alors ces élections, les cinquièmes depuis le début de la crise grecque, n'auront pas été inutiles.
par
Brigitte Ades
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